Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Tu m'
16 décembre 2006

smelling the wind

Aux USA, j'ai des amis un peu racistes, mais ils sont français. J'aurais bien aimé avoir des amis sudistes qui ont le drapeau confédéré dans leur chambre d'étudiant, mais non, je ne connais qu'un minable versaillais raciste. Son blog est un bréviaire du nouveau racisme avec lequel on pourrait faire la messe en connard.

Il fait des turkish parties, tout en nous précisant qu'il s'agit de « soirées turques ». Là bas, il passe du bon temps avec des gens « qu'ils soient Turques, bulgares, serbes, allemands et bien sûr américains. »

Être turc, pour ce garçon, s'illustre par deux exemples du domestique: la gastronomie et la tradition. Les signifiants de la turquité, ce sont les « excellentes kefta et une purée d'aubergines au yahourt » et « la shisha (tradition moyen orientale) ».

La chicha est une tradition moyen orientale. La chicha c'est le plaisir impoli. Un plaisir Autre, avec ses odeurs exotiques et sa forme étrange; un frisson colonial, qui rappelle tout à la fois une civilisation millénaire docile et le danger mesuré de pratiques interdites. C'est bien pour justifier l'interdit, le danger, que ce garçon doit mentionner qu'il s'agit d'une « tradition moyen orientale ». Sacrifier à la tradition l'inclut d'abord dans le monde des turcs à la manière d'un rituel, mais c'est aussi un moyen de montrer que « faire le turc » n'est pas un mal, car c'est la tradition, et participer à la tradition, c'est inscrire sa pratique dans le domaine du culturel. Pas n'importe quel « culturel », mais le « culturel » le plus exotisé, réduit à sa fonction iconographique, la belle image d'une culture faite de plats succulents et de costumes colorés.

Rappelons bien que les Kefta sont « excellentes », car la nourriture turque est glorieuse et vaut bien celle de France: la preuve, il mange cette délicieuse purée d'aubergine au yahourt. La bonne purée vaut bien la quiche lorraine qu'il avait apporté à la fête. La gastronomie est une belle et innocente allégorie d'un joyeux mélange des cultures, un mélange dans lequel tout le monde est égal et chacun mérite le respect.

Innocente? Comment comprendre l'identification de la turquité à son expression gastronomique et traditionnelle? Il y a deux éléments en jeu dans ce blog. Il y a d'abord l'exotisation de l'Autre, drapé dans la glorification de son authenticité – la pratique millénaire de la chicha. L'Autre est plus authentique que l'européen, son rapport aux générations est plus sincère, son lien à la terre est plus fort. Son corps foncé signifie son authenticité, celle qui l'éloigne de la civilisation: c'est un homme sincère, le bon sauvage. Le bon sauvage est authentique, c'est tout ce que l'on veut bien lui concéder pour excuser son animalité. La chicha comme objet devient alors un calice turque, la matérialisation symbolique du sang de l'Autre. Il y a également dans ce blog une attitude purement coloniale, un paternalisme teinté d'axiologie: la réduction de la culture de l'Autre à son expression gastronomique. La nourriture comme image de la culture turque est tout sauf innocente, elle est l'avatar d'une pensée colonialiste et raciste qui tend à faire de l'Autre un objet. L'objet d'une scopophilie nostalgique du temps des colonies qui se concentre sur la seule chose qu'elle n'a jamais su voir dans l'Autre: le rien de son incompréhension.

Publicité
Publicité
Commentaires
Tu m'
Publicité
Publicité